Athlètes d’élite : peut-on consommer du sucre sans impact sur la performance ?

289 grammes de glucides par jour : c’est la recommandation, pas un slogan. À l’heure où la chasse au sucre s’invite jusque dans les vestiaires des stades, cette donnée jette un pavé dans la mare des idées reçues. Le sport de haut niveau, lui, ne compose pas avec les demi-mesures alimentaires. Ici, l’énergie se compte en grammes, pas en slogans. Pourtant, entre croyances populaires et stratégies de terrain, le sucre n’a pas fini d’alimenter le débat.

Pourquoi les glucides demeurent la pierre angulaire de l’endurance

Parler de performance sportive impose aussitôt un détour par le vrai carburant de l’effort : les glucides. Leur rôle ne s’arrête pas à la production d’énergie : ils déterminent la capacité à maintenir l’intensité et la durée d’une épreuve. Lorsque l’athlète débute, ses réserves de glycogène, soigneusement stockées dans les muscles comme dans le foie, sont appelées en renfort. Si l’apport n’est pas régulier, le réservoir se vide, la production d’ATP – le cœur du dispositif énergétique cellulaire, chute. Résultat : puissance et endurance s’écroulent.

Chez les habitués du carbo loading, le principe est limpide : faire le plein de glucides avant l’épreuve repousse la fatigue. Mais ce n’est pas fini. La récupération, elle non plus, n’admet aucune approximation. Négliger ses apports juste après l’effort, c’est ralentir la réparation des muscles et jouer contre sa propre progression. Rien n’est laissé au hasard : préparer, soutenir, reconstruire. Avant, pendant, après. C’est cette séquence qui fonde la nutrition sportive moderne et distingue ceux qui gagnent de ceux qui stagnent.

Sucre rapide, sucre lent : comprendre les différences et leurs effets

Évoquer le sucre sans entrer dans le détail de ses multiples visages, c’est négliger une clé majeure de la nutrition sportive. Le glucose et le fructose, deux glucides simples, n’empruntent pas les mêmes voies dans l’organisme : chacun possède son propre transporteur intestinal, SGLT1 pour le glucose et GLUT5 pour le fructose. Ce détail n’a rien d’anecdotique ; il détermine la variété des boissons, gels et barres énergétiques que les athlètes utilisent en compétition.

L’index glycémique influe aussi : une dose de maltodextrine délivre un élan rapide de glucose, parfaite pour les efforts explosifs ou la dernière accélération. Une banane ou des fruits secs, à l’inverse, libèrent leur énergie plus progressivement, s’accordant aux phases plus longues et régulières.

Concrètement, nombreuses études recommandent, dans les sports d’endurance, de mélanger glucose et fructose afin d’augmenter la capacité d’absorption sans saturer le système digestif. Le ratio optimal évolue : jusqu’à 90g/h, le mélange se fait à 2 glucides pour 1 fructose ; au-delà, on approche du ratio 1 pour 0,8. Sur le terrain, ce choix se traduit par des kilomètres remportés sur la fatigue.

Type de sucre Vitesse d’absorption Exemples d’aliments
Glucose Rapide Boissons de l’effort, gels, maltodextrine
Fructose Rapide (autre transporteur) Fruits, miel, barres énergétiques
Saccharose Moyenne (glucose + fructose) Sucre de table, fruits

Le choix des apports dépend toujours du contexte : relancer, tenir la cadence ou mieux récupérer. Ajuster sources et quantités de glucides permet une gestion de l’énergie au cordeau, loin des improvisations à risques.

Idées reçues sur le sucre : ce que révèle le terrain

Certains persisteront à désigner le sucre comme la bête noire du sportif. Dans les faits, la pratique dément ce discours. Sans glucides, l’athlète d’endurance navigue en territoire miné : vitesse en baisse, récupération laborieuse et, parfois, transgression de la ligne rouge de la santé. Le syndrome RED-S en offre la démonstration éclatante : à force de restriction, le corps craque, les blessures s’accumulent et la fatigue s’installe durablement. Les approches du type train-low, limiter volontairement les apports pour forcer l’adaptation, exigent une précision chirurgicale pour éviter la dégringolade.

Une autre perception erronée : le sucre provoquerait inévitablement une hypoglycémie réactionnelle. Seules les personnes atteintes de diabète de type 1 doivent redoubler d’attention. Chez l’athlète sain, la régulation de la glycémie s’effectue par des mécanismes éprouvés, parfaitement adaptés à l’effort. Même l’hyperglycémie d’effort que l’on observe au plus fort des compétitions est un simple témoin de la mobilisation énergétique et non un drame en soi.

Prendre l’exemple des cyclistes du Tour de France, véritables funambules du ravitaillement : leur capacité à avaler d’énormes volumes de glucides tout en évitant l’inconfort digestif est le fruit d’une gestion rigoureuse, preuve que la nutrition sportive ne laisse rien au hasard pour viser la performance.

Pour clarifier ce que la pratique montre réellement, gardons tête ces deux faits :

  • Un apport glucidique adapté soutient l’endurance et accélère la régénération.
  • En situation inverse, les risques de contre-performance et de syndrome RED-S augmentent significativement.

Loin des caricatures, la science et l’expérience du terrain converge : le sucre, en nutrition sportive, agit comme un levier, à condition de le manier avec discernement et de l’ajuster à chaque situation.

Cycliste en cuisine préparant son petit déjeuner sportif

Intégrer les glucides sans compromettre la performance : mode d’emploi

Pour les athlètes au plus haut niveau, trouver l’équilibre entre apport en glucides et confort digestif demande de la méthode. Face à la répétition des séances, le corps a besoin d’un véritable apprentissage : c’est le principe du gut-training. Il s’agit d’entraîner progressivement le tube digestif à tolérer des quantités croissantes de sucres pendant l’activité, jusqu’à limiter les troubles et optimiser la transformation du carburant en énergie utilisable.

Voici comment organiser sa stratégie glucidique selon la durée de l’effort :

  • Moins de deux heures : 30 à 60 g de glucides par heure suffisent la plupart du temps.
  • Au-delà, la barre grimpe à 90 g/heure, en variant les aliments : boissons, gels, barres ou fruits secs, selon la tolérance de chacun.

Juste après l’exercice, la fameuse « fenêtre métabolique » se présente : consommer 1 à 1,2 g de glucides par kilo de poids corporel chaque heure, durant quatre heures, accélère la recharge des réserves de glycogène.

Chaque sportif doit adapter ces repères à son ressenti, sa discipline et son volume d’entraînement. Certains gèrent sans broncher des doses massives de glucides là où d’autres progressent plus lentement. La surcharge expose à des gênes digestives bien réelles, d’où l’utilité d’y aller graduellement, par essais, jusqu’à trouver la juste mesure. C’est dans cette expérimentation patiente que la nutrition sportive révèle toute sa puissance : un équilibre subtil, jamais figé, toujours perfectible.

Sur la ligne d’arrivée, la performance ne dépend pas que des jambes ou du mental, mais aussi de la stratégie dans l’assiette. Doser, tester, ajuster : là réside le vrai jeu du sportif moderne. Le sucre ? Bien piloté, il reste un allié de choix, ni bouc émissaire, ni panacée, juste un outil à maîtriser.

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